Opinion

Pour ou contre les rapports trimestriels

Être coté en Bourse présente ses avantages et ses inconvénients. Un avantage manifeste est que cette cotation donne accès à du capital, assure une valorisation de l’entreprise par le marché et impose une discipline supplémentaire. Dès lors, on en fait encore plus pour générer des performances aussi élevées que possible, pour atteindre les objectifs que l’on s'est fixés et que l’on a communiqués, et pour rassurer quant aux perspectives d'avenir. Un inconvénient est sans aucun doute que la cotation en Bourse entraîne une charge de travail plus importante en matière de reporting. Une société cotée en Bourse est soumise à davantage d’obligations. On ne lutte pas toujours avec les mêmes armes, et on dispose parfois de moins de liberté pour faire certains choix.

L’une des obligations des entreprises cotées en Bourse est de communiquer de manière transparente sur toutes les questions susceptibles d’avoir un impact sur la valeur de l’entreprise. La publication de rapports trimestriels et la communication sans retard d’informations pouvant avoir une incidence sur le cours en font partie. Il est tout à fait normal d’informer les actionnaires de ce qui se passe au sein de l'entreprise. Toutefois, les résultats trimestriels donnent une image des résultats financiers sur une période limitée uniquement, parallèlement à des indicateurs permettant d’évaluer la santé générale de l’entreprise. Il n'est donc pas sans risque de se focaliser uniquement sur les trois derniers mois et, il ne faut surtout pas extrapoler les résultats d'un trimestre à ceux d’une année. En tant que compagnie d'assurance cotée en Bourse, nous sommes en outre actifs dans un secteur marqué par une certaine volatilité. Des effets saisonniers tels qu’une tempête de grêle, des incendies de forêts, des inondations, ou encore la réalisation d’une plus-value sur la vente d’un immeuble, peuvent avoir un impact positif ou négatif important sur le résultat trimestriel sans que l’on puisse l'extrapoler à l'ensemble de l’année.

Nous pensons que les fluctuations trimestrielles, entre les attentes et la réalité, pèsent trop lourd dans l’évaluation d’une entreprise. Prenons par exemple les chiffres de solvabilité dans notre secteur. Ils sont par nature nettement plus variables que sous l'ancien régime de solvabilité. Lorsqu’un assureur présente un ratio presque double de celui exigé par le législateur mais qu’il termine un trimestre donné à 196 % au lieu des 198 % prévus, par exemple, cela ne nous semble pas pertinent. En effet, les écarts de ce type sont souvent dus à des éléments exceptionnels, par exemple de légères modifications du portefeuille d’investissement qu’un analyste aurait été incapable d’estimer au préalable.

Outre l'attention accordée aux chiffres bruts, il faut donc se pencher davantage sur ce qui se cache derrière ces chiffres. Quelle est la qualité du portefeuille de clients, des produits, du portefeuille d'investissement ou de la direction ? Ces éléments en disent bien plus sur la santé financière et les perspectives d’avenir d’une entreprise que les modèles, indices et feuilles de calcul. Nous devons bien admettre que le secteur de l'assurance ne facilite pas toujours la vie des analystes et des investisseurs. Nous lançons régulièrement de nouveaux concepts difficilement comparables. Il arrive bien souvent que plusieurs définitions soient utilisées pour un même concept, et nous travaillons aussi souvent avec des présomptions de base et des hypothèses de sensibilité différentes. Le secteur doit absolument faire davantage d'efforts de cohérence et d’harmonisation.

Je suis personnellement un fervent partisan d’une communication transparente et des rapports trimestriels pour les entreprises cotées en Bourse étant donné que ces entreprises ont, à juste titre, le devoir d’informer leurs actionnaires des événements importants et des résultats réalisés. En outre, la suppression des résultats trimestriels ne ferait qu’intensifier les communications intermédiaires. Non donc, les rapports trimestriels ne doivent pas disparaître. Mais évitons de tirer trop rapidement des conclusions lors de l’analyse de ces résultats intermédiaires. Les événements exceptionnels sont et resteront toujours difficiles à prévoir. Il faut accorder une plus grande importance à la régularité des performances d’une entreprise, car un trimestre en dit très peu sur les performances à long terme des entreprises.

 

Bart De Smet
CEO