Opinion

Combler le fossé entre les paroles et les actes

Comme beaucoup de ceux qui ont suivi les travaux de la COP26 à Glasgow, j’ai été frappé par le refrain maintes fois répété concernant l’urgence d’agir maintenant. Dans un contexte d’avertissements sans équivoque de la part des scientifiques, c’est manifestement et sans aucun doute le cas. Les années 2020 doivent tout simplement être la décennie au cours de laquelle les gouvernements et les entreprises agiront face à ce que beaucoup considèrent désormais comme une urgence climatique, et à laquelle vient s’ajouter une série d’autres défis environnementaux et sociétaux.

Cependant, appeler à agir n’est pas synonyme d’agir. La question importante n’est pas de savoir comment les entreprises peuvent revoir leurs ambitions à la hausse, mais comment elles peuvent mettre en œuvre des actions généralisées à grande échelle et rapidement.

La manière dont les entreprises gèrent leurs propres opérations, les choix d'investissement qu'elles font et la façon dont elles étendent leur impact sociétal font l'objet d'un travail considérable.  Nombreuses sont celles qui s’intéressent de plus en plus à leur impact plus général via leurs chaînes d’approvisionnement. Bien qu’il reste encore beaucoup à faire, tout cela est prometteur et louable.

Cependant, il semble qu’un immense potentiel inexploité d’impact positif soit négligé, à savoir le rôle que les entreprises peuvent jouer pour aider des milliards de citoyens ordinaires à faire des choix plus durables,à changer leurs habitudes et comportements pour que, collectivement, ils contribuent massivement à résoudre les défis environnementaux et sociaux auxquels nous sommes tous confrontés.

Depuis plusieurs années, les études menées auprès des consommateurs révèlent qu’ils souhaitent mener une vie plus écoresponsable. L’enquête Ipsos réalisée en juillet dernier révèle que le développement durable reste une priorité ; 70 % des personnes interrogées dans le monde se disent plus préoccupées par l’environnement aujourd’hui qu’il y a un an et 72 % reconnaissent que si les citoyens ordinaires n’agissent pas maintenant pour lutter contre le changement climatique, ils laisseront tomber les générations futures.

Même si les défis sont devenus plus pressants et préoccupent de plus en plus les citoyens, il existe toujours un écart considérable entre ce que les consommateurs disent vouloir faire et ce qu’ils font réellement. Alors, où est le problème ?

La réponse simple est qu’il leur est difficile de faire des choix durables. Cela leur semble souvent trop compliqué, trop long ou trop coûteux, surtout lorsqu’ils mènent des vies déjà complexes, avec des demandes de temps, d’argent et d’attention qui se télescopent.

Parmi les promesses et les politiques, les engagements et les coalitions débattus lors de la COP26, le rôle des citoyens n’a guère retenu l’attention. Cela laisse perplexe étant donné que nombre des plus grandes marques et entreprises du monde en contact avec les consommateurs étaient présentes, chacune vantant ses mérites en matière de durabilité. Trouver des moyens d’orienter les actions de milliards de consommateurs, dont la plupart sont déjà disposés à faire le nécessaire, vers un avenir plus juste, plus équitable et plus durable est une évidence, sans parler de l’occasion unique d’avoir un impact vraiment disproportionné et de se démarquer.

Il convient de souligner qu’il existe plusieurs exemples brillants d’entreprises qui considèrent que combler le fossé entre les paroles et les actes est une occasion de rendre les choix durables faciles, agréables et abordables. Elles y voient un moyen d’accélérer le changement dans le domaine de la durabilité, mais aussi d’aider leurs clients à concrétiser ce qu’ils disent vouloir faire mais sans y parvenir facilement. À titre d’exemple, Ovo, un fournisseur d’énergie au Royaume-Uni, a développé pour les utilisateurs de véhicules électriques une solution de recharge intelligente qui détermine le meilleur moment pour recharger leur voiture. La pression exercée sur le réseau s’en trouve réduite, ce qui permet de diminuer les coûts pour les consommateurs. Il s’agit là d’une excellente illustration du fait qu’une entreprise soucieuse de durabilité innove pour créer une solution qui tire parti de ce que les consommateurs sont déjà enclins et motivés à faire.

La bonne nouvelle de cette approche est qu’elle ne repose pas sur une expertise approfondie en matière de durabilité au sein de l’entreprise ; car toute entreprise axée sur le client possède déjà les compétences, les connaissances et les impulsions nécessaires pour la mettre en œuvre. Il s’agit tout d’abord de déterminer les besoins, les désirs, les points douloureux et les frustrations de leurs clients puis d’utiliser ces informations pour innover en matière de solutions, de produits et de modèles commerciaux. En d’autres termes, le fait de considérer votre entreprise sous l’angle de la durabilité créera de la valeur et servira vos clients tout en ayant un impact positif.

Chez Ageas, la compagnie d’assurance dont je suis le Président, nous avons étudié les moyens d’accélérer la transition vers un monde plus durable. Nous voulons identifier les domaines dans lesquels nous sommes les seuls à pouvoir avoir un véritable impact, au-delà de nos quatre murs. L’opportunité est d’avoir un impact positif à grande échelle en incitant nos clients à faire des choix plus durables. Nous pouvons concevoir nos produits de manière à rendre les choix durables faciles et abordables. Nous pouvons améliorer l’accès aux avantages de l’assurance grâce à la technologie, à l’innovation et à une formulation simple des polices. Nous pouvons montrer l’exemple et influencer le changement dans notre secteur.

Soyons clairs, ce n’est pas seulement la bonne chose à faire, c’est aussi une question de bon sens commercial. Nous considérons les pratiques commerciales durables comme une source d’avantage stratégique et concurrentiel. Si nous y parvenons, en anticipant et en réagissant aux grands changements sociaux et environnementaux qui façonnent le monde de nos clients, nous pourrons bâtir une entreprise plus résiliente, répondre aux besoins non satisfaits des clients et axer l’innovation sur la résolution de problèmes significatifs dans la vie des gens.

Autant dire que pour nous, rendre les choix durables simples, abordables et faciles pour nos clients peut réduire le fossé qui les sépare de l’action, et c’est vraiment une évidence.

 

Bart De Smet

Président Ageas