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Ce qui change, et ce qui reste

J’ai commencé ma carrière en 1982, l’année où Michael Jackson a sorti son album « Thriller » et où E.T. voulait « téléphone maison ». Ce fut aussi l’année de grandes innovations technologiques, comme les premiers CD et le lancement du Commodore 64, un ordinateur personnel qui a fait sensation avec ses 64 Ko de mémoire vive. Sur le plan géopolitique, ce fut l’année de la guerre des Falklands et du retrait d’Israël du Sinaï égyptien. En Belgique enfin, le gouvernement Martens V décidait de dévaluer le franc belge de 8,5 % pour renforcer la compétitivité du pays.

L’année 2020 entrera sans aucun doute dans les livres d’histoire comme l’année où la COVID-19 a bouleversé tous les aspects de notre vie : notre façon de consommer, d’entretenir des relations ou encore de travailler. Mais, même si l’impact de la COVID-19 sur le monde de l’entreprise est considérable, n’oublions pas qu’il avait déjà connu de nombreuses métamorphoses sous l’effet de différents facteurs depuis 1982. Permettez-moi d’en aborder quelques-uns.

Tout d’abord, il ne faut pas sous-estimer les énormes évolutions technologiques de ces 40 dernières années. La technologie est devenue toujours plus accessible. Pensons par exemple au succès des ordinateurs personnels et des smartphones. Autrefois, le département informatique était une tour d’ivoire omnipotente qui fixait la marche de l’entreprise. Il est devenu aujourd’hui un « business partner », qui réfléchit avec son client interne et fonctionne en partenariat pour soutenir les objectifs de l’entreprise.

Un deuxième facteur qui a eu un impact sur le monde de l’entreprise est la complexité croissante. Le contexte dans lequel les entreprises opèrent aujourd’hui est moins clair que dans le passé. Le monde est un village dans lequel la concurrence peut provenir de n’importe où, mais dont le caractère est devenu beaucoup plus international. Les consommateurs d’aujourd’hui sont bien informés et extrêmement exigeants, et ils n’ont pas beaucoup de patience. Cela laisse de moins en moins de place à l’inefficience.

Enfin, les bouleversements sociaux font que les entreprises ne sont plus des structures hiérarchiques rigides, mais des organismes de collaboration participative. Autrefois, toutes les décisions étaient imposées d'en haut, les promotions étaient étroitement liées à l’ancienneté et les entretiens d’évaluation étaient plutôt rares. En 2020, les décisions sont plus souvent prises en concertation avec les différents niveaux de l’organisation. Les collaborateurs changent bien plus souvent de poste, la valeur ajoutée qu’une personne apporte à l’entreprise est le facteur déterminant des promotions et les managers sont souvent aussi des coaches qui s’efforcent de tirer leurs collaborateurs vers le haut.

C’est donc incontestable : au cours des 40 dernières années, des facteurs technologiques, sociaux et mondiaux ont bouleversé de fond en comble le monde de l’entreprise. Et pourtant, de nombreux aspects de la vie en entreprise ont résisté aux outrages du temps, et la COVID-19 n’y changera rien non plus. Aujourd’hui comme hier, plus on (s’)investit, plus on peut attendre en retour de la vie (en entreprise). Le travail n’est jamais perdu.

Et mieux vaut aussi ne pas suivre aveuglément la dernière mode. On gagne souvent à prendre un peu de distance, tout en gardant suffisamment de flexibilité pour prendre le train en marche si nécessaire. Et dans ce genre de contexte, il faut parfois oser une posture « contraire et réfléchie » et aller à contre-courant des slogans du jour. Parce qu’aller à contre-courant peut aussi vous donner une position unique sur le marché.

Enfin, que ce soit à titre personnel ou en tant qu’entreprise, mieux vaut s’appuyer sur ses compétences de base. Ne vous focalisez pas trop sur vos faiblesses, comptez au contraire sur vos collègues ou partenaires pour compenser ces faiblesses. Vos points forts sont le levier qui vous permettra de faire la différence.

La COVID-19 va certainement accélérer un certain nombre d’évolutions déjà en cours et en déclencher d’autres. Mais si on remonte dans le temps, parallèlement aux facteurs qui ont eu et continueront d’avoir un impact durable sur la vie et le monde de l’entreprise, on observe un certain nombre de constantes auxquelles chaque organisation peut s’accrocher pour négocier les périodes délicates.